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Cultiver sans eau ? C’est possible !

Cultiver sans eau ? C’est possible ! La parole est donnée à Thierry BELSACK, maraîcher à Choupeyre, un village de la commune de Beurières, qui nous fait part de son expérience.

Installé depuis 2 ans dans le Puy de Dôme sur la commune de Choupeyre à Beurrières, je pratique une activité maraichère sans aucun labour sur foin et surtout sans aucun arrosage. Une nouvelle agriculture qui consomme peu d’énergie et régénère la structure du sol. Il est temps de changer notre mode de pratique culturale afin de préserver notre patrimoine écologique. J’associe les anciennes méthodes utilisées par nos ancêtres à l’époque ou l’eau n’était pas courante et les canaux d’irrigations plutôt très rares.

J’ai pu constater qu’en pratiquant cette technique de culture mes besoins en ressources hydriques était de zéro. Comment cela est il possible ? A partir de septembre je commence à entasser sur les anciennes cultures du foin et tous autres déchets verts sur une épaisseur de 40 cm environ. Pendant la période hivernale je ne m’en occupe pas et je continue à l’alimenter avec les déchets organiques de mes poules et lapins. Pendant tout l’hiver elles subissent l’influence du gel, de la pluie et de la neige.

Ensuite aux beaux jours je continue en y mettant dessus les déchets de tonte, d’herbes en tout genre et des bois que je passe au broyeur ou des petites branches que je coupe en tronçons de 10 cm environ.

Mes différentes cultures

Etant en moyenne montagne et exposé plein nord sans aucune protection et soumis de plein fouet au rigueur des hivers auvergnats, je commence mes cultures assez tôt. Je vous dévoile ci-dessous mon calendrier de cultures qui peut varier suivant les conditions météorologique puisque l’on peut avoir encore de la neige en mai et des gelées jusqu’à mi-juin.

Je ne choisis que des variétés anciennes que je trouve plus résistantes aux conditions météorologiques de la montagne.

Bien qu’ici les anciens ne commencent qu’a planter au moi de mai-juin. Mes semis commence très tôt vers la mi-décembre par les salades que je commence à récolter en avril. Elles sont uniquement recouvertes par un voile d’hivernage de 30 gr que je double ou triple suivant les températures et vous prie de croire que même a -12°C les feuilles sous le voile peuvent geler mais en aucun cas elles ne noircissent ou sont détruites par les fortes gelées.

J’ai pu constater aussi que même par fortes gelées, l’intérieur de la butte de foin gardait son humidité mais permettait aussi a la faune microbienne de se nourrir et de rester présente pendant toute la saison quelque soit les conditions météorologique. Et chose fantastique c’est que sous cette couverture de foin le sol restait meuble et ne subissait en aucun cas l’effet des grands froids, et que les racines des salades n’étaient pas touchées par ces conditions mais qu’au lieu d’avoir des racines superficielles, elles avaient des pivots gros comme trois doigts et allaient puiser l’eau nécessaire profondément dans le sol à plus de 15 cm.

La particularité aussi de mes cultures, c’est que je fais tout mes semis moi-même et que lors des transplantations j’écarte juste un petit peu le foin et je pose mes plants sur la surface du sol. En aucun cas je ne touche a la structure du sol, ce sont les légumes eux-même qui déploient leurs racines pour s’ancrer et aller par la suite puiser les ressources nécessaires à leurs développement.

Concernant l’arrosage, comme tout le monde j’arrose mes semis. Ensuite lors de la transplantation je n’arrose qu’une seule fois et laisse faire la pluie venant du ciel pour la suite.

Même par 26 ou 32°C mes légumes ne souffrent en aucun cas du manque d’eau.

Arrêtons de se fier aux divers calendriers de jardinage qui préconisent de ne planter qu’a certains mois de l’année et d’éviter de faire cohabiter certaines espèces de légumes, question de croissance et d’incompatibilité. Dans mon potager tous les légumes cohabitent ensemble, l’année dernière j’ai mis les courgettes avec des choux-fleurs, des blettes et des salades ainsi que quelques pieds de tomates et concernant les résultats, je n’ai eu aucune incidence sur la récolte qui a été fructueuse.

J’utilise ce type de cultures pour toutes les espèces que ce soit des fleurs ou des fruits. Une autre technique que j’ai mise au point pour les fèves, pois et haricot est de simplement les disposer directement sur le sol en poquet après avoir écarté le foin et ensuite de recouvrir ceux-ci d’une fine couche de foin que je referme complètement après la pousse des légumes.

Mon calendrier des cultures

  • Mi-décembre : 1200 semis de salades (laitue St-Antoine, Merveille des quatre saisons et Rouge Grenobloise)
  • Avril : semis de tomates, aubergines et poivrons. Je prends des variétés principalement issues des pays de l’est beaucoup plus résistantes au froids et qui ont la capacité de fructifie même a basse températures.
  • Mai : semis de courgettes principalement des jaunes et crèmes longues et rondes et haricots, la variété pourpre Mistik
  • Juin : semis de concombres blancs, choux de toutes espèces, blettes et à nouveau 1200 salades.
  • Juillet : encore un semis de haricot et je continue les choux et blettes pour la saison hivernale et je rajoute les betteraves (crapaudine)
  • Août : je commence les épinards et la mâche et les chicorés italiennes dont il existe une multitude de variétés.

Je n’utilise aucunes graines F1, toutes mes semences proviennent de petits producteurs issus du monde entier, ce qui me permet d’avoir quelques fois des graines introuvables dans les commerces et les semenciers. Un petit réseau que j’ai mis trois ans à construire.

Chaque année je teste de nouvelles variétés et l’avantage qu’ont mes clients c’est que d’une année sur l’autre ils ne trouveront jamais le même produits et je peux dire que mon succès est du a ce que je propose des produits de qualités et avec du goût qui sont introuvables dans le commerce.

Mes constations

  • Sous cet épais paillage la faune du sol est beaucoup plus nombreuse et travaille en permanence sa structure en l’aérant, en sachant que le sol n’a pas été labouré.
  • Le sol est en permanence humidifié même en période de fortes chaleurs.
  • Je peux commencer les cultures plus tôt car le gel n’a aucune influence sur les cultures de salades même à 630m d’altitude. Les feuilles de salades résistent au gel sans aucun dégâts. Suite au dégel, celles-ci repartent de plus belles.
  • Pendant la mise en place de mes cultures je ne désherbe pas car cette herbe me permet de conserver l’humidité du sol et contribue par ces racines à me structurer le sol. Cela n’a aucune incidence sur la pousse des légumes. De plus elles me permettent d’attirer les prédateurs ainsi que les auxiliaires et d’avoir en permanence un système complet de biodiversité.
  • Aucun traitement ou engrais n’est utilisé pendant la culture.

Cela fait maintenant deux ans que je pratique ce système et que j’essaie de la faire connaître auprès des particuliers, mais aussi des élus et responsables agricoles. Ma persévérance m’a permis d’obtenir le label des producteurs locaux « De nos fermes 63 » et celui du parc naturel « Saveurs du Livradois-Forez ».

La fanéoculture, une marque déposée

Ma culture est baptisé fanéoculture et est désormais une marque déposée. C’est une méthode agricole adaptée à la culture maraîchère, fruitière, florale et viticole sur buttes de foin avec un apport de déchets végétaux et de matières organiques animales sans modifier de quelques manières la structure du sol et de se passer totalement d’apport hydriques.

Pour une autre agriculture

Ce type de culture peut s’adapter à tous les systèmes que ce soit l’arboriculture, la viticulture, le maraichage, mais aussi aux cultures des services municipales qui sont très gourmandes en eau.

Il faut arrêter d’avoir un système de production formaté et être ouvert à d’autres techniques qui peuvent faire leurs preuves. Oublier les techniques culturales utilisés depuis des siècles et s’ouvrir à de nouveaux horizon. C’est pour cela que je souhaite communiquer à tous les organismes ou élus, afin qu’ils viennent me rencontrer pour débattre de mon système cultural et non pas rester dans un système imposé par des quotas et bien d’autres choses encore.

Je sais très bien que je dérange. Je passe pour un fantasque aux yeux de beaucoup de monde car je n’ai pas de surface agricole importante (500 mètres carrés) et je sais très bien que j’aurais beaucoup de mal à m’agrandir parce que l’on évite toujours ce qui fait peur. Mais j’en ai marre de voir notre agriculture détruite petit à petit par des bureaucrates qui n’ont jamais mis les pieds dans une exploitation agricole et qui ne jurent que par leurs écrits et leurs lois. Il est temps de changer, et ce changement je ne pourrais le faire sans vous qui êtes des acteurs de la vie quotidienne, qui ont l’espoir de retrouver une alimentation plus saine et naturelle en provenance de nos régions.

Thierry BELZACK, Le potager d’antan

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